Pierre le Grand, un tsar en France – 1717

Consacrée au séjour de Pierre le Grand à Paris et dans ses environs, en mai et juin 1717, cette exposition au Grand Trianon commémorera du 30 mai au 24 septembre 2017 le tricentenaire de cette visite diplomatique. Fruit d’une collaboration exceptionnelle entre le château de Versailles et le musée de l’Hermitage, elle présentera plus de 150 œuvres – peintures, sculptures, arts décoratifs, tapisseries, mais aussi plans, médailles, instruments scientifiques, livres et manuscrits – dont les deux tiers appartiennent aux collections du prestigieux musée de Saint-Pétersbourg.

Pierre le Grand et le Régent à la revue de la Maison militaire du roi, le 7 juin 1717, Léon de Lestang Parade (1810 – 1887), peinture sur toile
© EPV / Christophe Fouin

Issu de la dynastie des Romanov, fils du tsar Alexis Mikhaïlovitch (1645-1676) et de Nathalie Narychkine (1651-1694), Pierre Ier (1672-1725), vingt ans après la « Grande Ambassade » qui l’a mené une première fois en Europe en 1697-1698, entreprend un nouveau voyage en Occident. Il atteint la France le 21 avril 1717 et y demeure jusqu’au 21 juin suivant. À Versailles où il fait étape deux fois, il est logé au Grand Trianon, du 24 au 26 mai puis du 3 au 11 juin 1717.

Le parcours de l’exposition suit pas à pas ce séjour qui, pour être officiel, n’en est pas moins libre car, force de la nature, imprévisible et peu façonné à l’Étiquette, Pierre Ier bouscule le protocole à maintes reprises. Sa rencontre avec Louis XV marque notamment les esprits : faisant fi du cérémonial de cour, il prend dans ses bras, en un geste spontané, l’enfant roi, tout juste âgé de sept ans. De nombreux mémorialistes, parmi lesquels Saint-Simon, le marquis de Dangeau ou Jean Buvat nous ont laissé de précieux témoignages permettant de retracer ce voyage.

Louise Marie Jeanne Hersent, née Mauduit (1784 – 1862)
1838
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
(c) château de Versailles, Christophe Fouin

Si ce séjour a des visées politiques et économiques – un projet  d’alliance avec la France contre la Suède d’une part, la signature d’un traité de commerce de l’autre -, le tsar réformateur, fondateur de la Russie moderne, veut par-dessus tout voir ce que la France possède de plus remarquable afin d’en adapter certains modèles à son empire. Durant les deux mois qu’il passe dans le Paris de la Régence, visites et discussions avec les Français nourrissent sa réflexion et infléchissent les travaux qu’il a entrepris depuis 1703 à Saint-Pétersbourg et dans ses environs.

À Paris, Pierre se rend à l’Académie des Sciences, dont il devient membre honoraire, à l’Observatoire, à l’Hôtel royal des Invalides et à l’Hôtel de la Monnaie où l’on frappe une médaille en son honneur. Le tsar visite également la manufacture des Gobelins qui lui inspire la création d’une fabrique de tapisseries dans sa nouvelle capitale. Découvrant les marchands parisiens tel un simple particulier, il fait provision de livres, d’instruments scientifiques et techniques. Enfin, comme il est d’usage, ce voyage suscite l’échange de prestigieux cadeaux diplomatiques ; à l’image de la tenture du Nouveau Testament offerte à Pierre le Grand, composée de quatre tapisseries d’après Jouvenet et conservée aujourd’hui au musée d’État de l’Ermitage.

Tobias Lenghart (vers 1580 – 1632)
Hans Georg I Brenner (Prenner) (vers 1564 – 1632)
vers 1613-1675
Bois, cuivre, acier, argent, verre, soie, velours, passementerie.
Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage
(c) Musée de l’Ermitage, Saint-Petersbourg, 2017

L’exposition met aussi en lumière les rapports du tsar avec les artistes français. En effet, dès 1716, il attire à la cour de Saint-Pétersbourg plusieurs maîtres, parmi lesquels Louis Caravaque (1684-1754), l’architecte Jean-Baptiste Le Blond (1679-1719) et le sculpteur ornemaniste Nicolas Pineau. Lors de son séjour en France en 1717, il est portraituré par deux peintres de renom, Jean-Marc Nattier (1685-1766) et Jean-Baptiste Oudry (1686-1755).

Souverain guerrier et voyageur, Pierre le Grand parcourt le monde pendant près de quatre décennies, de la mer Blanche à la mer Caspienne, de la Hollande à la Moldavie et de l’Angleterre à la Perse. Cette personnalité hors du commun a su s’imposer, au regard de la postérité, comme l’un des monarques les plus marquants de son pays, initiateur d’une nouvelle Russie.

la passion des sciences et des techniques

Au cours de son voyage, Pierre le Grand s’intéresse particulièrement aux institutions et aux productions scientifiques et techniques. Il visite les grands établissements qui font la réputation de Paris sous la Régence : l’Observatoire, la Manufacture des Gobelins, le Jardin des plantes, la Monnaie des médailles, les académies, les bibliothèques et les cabinets de curiosités.
Cette soif de connaissance l’incite à acheter des instruments de mathématiques et d’astronomie. Il emporte aussi une abondante documentation : estampes du Cabinet du roi gravées sous Louis XIV, plans de places fortes et de maisons de plaisance, dessins d’architecture et d’ingénierie, cadran solaire, « sphère mouvante » indiquant le mouvement des planètes.

Nicolas Bion (vers 1652 – 1733)
Milieu des années 1710
Laiton, acier, verre ; dorure, argenture, gravure
Saint- Pétersbourg, musée d’Etat de l’Ermitage
(c) Musée de l’Ermitage, Saint-Petersbourg

C’est dans le domaine scientifique que la visite de Pierre a les conséquences les plus fécondes. Le 22 décembre 1717, l’Académie royale des sciences l’élit membre honoraire « hors de tout rang », et peu après sa disparition, Fontenelle, secrétaire perpétuel, lui rend un vibrant hommage : « pour porter la puissance d’un État aussi loin qu’elle puisse aller, il faudrait que le maître étudiât son pays presque en géographe et en physicien, qu’il en connût parfaitement tous les avantages, qu’il en
eût l’art de les faire valoir. Le tsar travailla sans relâche à acquérir cette connaissance et pratiquer cet art ».

Atelier Michael Coignet (1549 – 1623) (?)
Gravure Ferdinand Arsenius (actif de 1573 à 1628) (?)
Fin du XVIe – début XVIIe siècle
Laiton gravure
Saint- Pétersbourg, musée d’Etat de l’Ermitage
(c) Musée de l’Ermitage, Saint-Petersbourg

Pierre le grand et les peintres français

Sans être grand amateur de peinture, Pierre Ier apprécie les portraits, les marines et les scènes de bataille. Lors de son second voyage en Europe, soucieux de développer un
art pictural nouveau rompant avec l’icône et fondé sur l’étude de la perspective et de la nature, il tente d’attirer des artistes français à sa cour.
Louis Caravaque (1684-1754) est parmi les premiers peintres français à s’expatrier en Russie ; il y fonde un atelier et forme de nombreux élèves. Saisissante par ses dimensions et sa précision topographique, la Bataille de Poltava, son œuvre la plus fameuse, met en scène la victoire des troupes russes sur celles de Charles XII, roi de Suède, à Poltava en 1709.

Maître artisan Pierre Fromeri (?)
Premier tiers du XVIIIe siècle
Acier, bronze doré, émail ; fer forgé, moulage, ciselage, facettage, polissage, brunissage
Saint- Petersbourg, musée d’Etat de l’Ermitage
(c) Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg

Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) et Jean-Marc Nattier (1685-1766), deux des plus éminents portraitistes de l’époque, immortalisent les traits du tsar lors de son séjour en Europe. À La Haye, Nattier a le priviliège de peindre la tsarine : plus tard, il exécute l’effigie de Pierre.
Au cours des règnes suivants, nombreux sont les artistes français qui font le voyage de Russie, portant le goût de leur pays à la pointe de leurs pinceaux.

L’architecture française, une source d’inspiration

Particulièrement séduit par les architectures hollandaises et anglaises, Pierre le Grand trouve en France une nouvelle source d’inspiration pour l’édification de sa nouvelle capitale. Avant son voyage, il a déjà attiré à Saint-Pétersbourg plusieurs architectes européens, dont Jean-Baptiste Le Blond, recruté comme « architecte général ».
Au printemps 1717, Pierre et sa suite sont impressionnés par les monuments de Paris et par les châteaux de Versailles, de Trianon et de Marly. Mais ce sont surtout les tracés des jardins à la française, avec leurs jeux d’eau, qui émerveillent le tsar. Dès son retour en Russie,
il réclame des aménagements semblables pour ses demeures de la périphérie de Pétersbourg, et l’on voit s’y élever des fontaines, des cascades et des peuples de statues allégoriques et mythologiques ressemblant à ceux du Versailles du Roi-Soleil.
Pierre se montre également très impressionné par l’aménagement et la décoration intérieure des demeures françaises. L’ornemaniste Nicolas Pineau lui fournit une
grande quantité de projets pour des arts décoratifs, tels des motifs de lambris en bois sculpté.

En savoir plus:

http://www.chateauversailles.fr

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