L’exposition est présentée par les musées nationaux du Palais impérial de Compiègne visible jusqu’au 28 janvier 2013
Mobilier de bois doré ou orné de laques, tapisseries aux sujets orientaux, étoffes aux somptueux reflets, de sourdes couleurs s’harmonisent comme par hasard grâce à une Impératrice qui s’est passionnée pour la décoration de ses appartements. Ceux de Saint-Cloud, comme ceux des Tuileries, ont brûlé. Seules des aquarelles ou des gravures en gardent le souvenir.
En revanche Compiègne a le privilège d’abriter un remarquable « salon de thé » qui mêle meubles historiques à des créations contemporaines. Eclectisme certes, pure invention tout autant, une telle « réunion » d’objets pourrait passer pour disparate, si aujourd’hui elle ne nous semblait pas d’une surprenante beauté.
L’achèvement de la restauration du salon de thé de l’Impératrice Eugénie au palais de Compiègne, et sa réouverture au public, après cinq années de travaux réalisés par plusieurs équipes de restaurateurs et financés grâce à un mécénat exceptionnel, est un événement qu’il convenait de souligner par une exposition évoquant le goût très personnel de l’Impératrice en matière de décoration.
Eugénie de Montijo (1826-1920), épouse de Napoléon III, accorda en effet la plus grande attention à l’ameublement de ses résidences en général et de ce salon en particulier, qu’elle fit entièrement redécorer entre 1855 et 1865. Au cours des « Séries » – ces séjours durant lesquels l’Empereur et l’Impératrice recevaient à Compiègne, chaque semaine à l’automne, une centaine d’invités triés sur le volet –, Eugénie conviait dans le cadre plus intime de son salon de thé quelques invités privilégiés qu’elle souhaitait distinguer en prenant le thé avec eux.
La boisson exotique motiva peut-être le choix des tapisseries et du mobilier de laque qui relèvent de l’Orient tel qu’on le rêvait au XVIIIe siècle et que les expéditions colonisatrices remirent au goût du jour sous le Second Empire (1852-1870). Par ailleurs, l’admiration que l’Impératrice vouait à la reine Marie- Antoinette, aimant s’entourer de souvenirs de la défunte souveraine, se retrouve également dans le mobilier et les objets décoratifs du salon de thé. La première partie de l’exposition met ainsi à l’honneur les goûts artistiques de l’Impératrice qui ont présidé à l’ameublement du salon, entre inspiration extrême-orientale et fascination pour le XVIIIe siècle.
Perçu comme « le champ des expériences tapissières » de l’impératrice Eugénie, le « Salon de thé » de Compiègne est sans doute l’une des pièces les plus emblématiques de la résidence pour le Second Empire. Cherchant constamment à l’enrichir en fonction de son goût, l’Impératrice fit ajouter au décor orientalisant une partie de l’un des plus célèbres ensembles de sièges du XVIIIe siècle commandés pour Marie-Antoinette : en effet la livraison en 1865 à Compiègne des sièges de bois doré, provenant du Cabinet intérieur de la reine à Saint-Cloud, constitue l’un des points forts de l’ameublement de cette pièce.
La valeur historique incontestable de ces meubles n’a cependant pas empêché de les adapter à leur usage et au confort de l’époque. Couverts d’un damas vert-émeraude pour leur redonner toute leur somptuosité, ils furent garnis de ressorts et capitonnés pour les rendre aussi confortables que des sièges contemporains.
Par ailleurs, femme du monde devenue Impératrice en 1853, seule Eugénie de Montijo pouvait organiser des réceptions aussi élégantes, introduisant la mondanité au sein de la traditionnelle étiquette et développant ainsi une sociabilité plus libre. C’est ainsi qu’ont séjourné à Compiègne, à côté des personnages de la cour, des figures célèbres du monde artistique et scientifique : Flaubert, Dumas fils, Théophile Gautier, Delacroix, Gustave Doré, Gounod, Verdi, Cuvier, Chevreul, ou encore Pasteur, qui raconta dans une lettre comment il avait été convié à prendre le thé avec l’Impératrice.
Témoignage de cette nouvelle mondanité, le mobilier du salon présente des caractéristiques aussi modernes que le confort, l’éclairage artificiel ou la mobilité des sièges qui seront rapidement adoptées par une grande partie de la société. A travers l’usage qu’Eugénie faisait de son salon de thé, l’exposition étudie donc dans cette seconde partie les nouvelles formes de sociabilité promues par la cour du Second Empire.
Enfin, l’exposition est aussi l’occasion de présenter au public les détails de la longue et fascinante restauration qui a permis notamment au mobilier de Marie-Antoinette, réemployé par Eugénie dans son salon, de retrouver son chatoyant textile vert émeraude et de redonner tout leur éclat aux somptueuses armoires de laque de Chine du XVIIIe siècle.
Plusieurs équipes de restaurateurs et d’artisans au savoir-faire exceptionnel ont été mobilisées pour redonner à cet ensemble spectaculaire sa beauté et ses harmonies d’origine. L’exposition se clôt ainsi par la présentation de l’histoire du salon au fil du XIXe et du XXe siècle et les enjeux de sa restauration. Le visiteur est ensuite guidé vers le salon de thé d’Eugénie par un parcours en salles.
Près de cent-cinquante oeuvres sont réunies, provenant des collections du palais de Compiègne et enrichies de prêts consentis par le château de Fontainebleau, le musée du Louvre, le musée national de la Céramique de Sèvres et le château de Versailles. Outre les peintures et sculptures présentées, l’exposition célèbre la grande créativité artistique du Second Empire dans le domaine des objets d’art, par la présence importante de mobilier, porcelaines, et pièces d’orfèvrerie. Le public découvrira notamment de magnifiques porcelaines conservées habituellement dans les réserves du Palais de Compiègne et présentées exceptionnellement à cette occasion.