Séduction & Pouvoir. L’art de s’apprêter à la cour aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Se vêtir et accessoiriser sa tenue révèle les usages sociaux et politiques des élites.
Si l’usage de la parure et l’envie d’embellir le corps sont présents dans toutes les sociétés et à toutes les époques, il s’accompagne sous Louis XIV d’une véritable stratégie d’affirmation du pouvoir motivée par la centralisation politique.
Le règne du Roi-Soleil se caractérise par un souci de l’apparence et de la représentation. L’accessoire, tout comme le vêtement, contribue à la nécessité de paraître et de tenir son rang.

Qu’on les appelle ornements ou encore parures, les accessoires du vêtement, de la coiffure et de la beauté deviennent les outils d’une communication non verbale entre les individus et le lieu d’un investissement symbolique.
Ces ornements et ces parures reflètent les courants de la mode mais témoignent également des valeurs et des préférences de la société française de l’époque.

L’État glorieux et florissant de la famille royale par le nombre et le mérite des princes et princesses qui la composent 1698 Eau forte et burin sur papier H. À Paris, chez J. Mariette, rue Saint-Jacques, aux Colonnes d’Hercule, estampe pour un almanach de 1699 © Musée du Domaine royal de Marly / Louis Bourjac

Chaque accessoire, chaque geste, chaque attitude répond à des normes, à des codes qui ne cessent d’évoluer attestant ainsi des changements de modes et de mœurs. Cette construction de l’apparence requiert de connaître les usages et les règles et de s’y conformer pour bénéficier de la faveur royale et attester de son identité sociale.

Aussi, cette culture du paraître s’accompagne d’une parfaite maîtrise de soi et des expressions du visage : fards, poudres, mouches et parfums concourent à une monotonie d’apparence. L’impératif de séduction s’inscrit dans un double mouvement : un mimétisme envers le roi et le pouvoir d’une part, et la nécessité de s’en affranchir pour se faire remarquer et mieux révéler son rang d’autre part.

Cave à parfums ou coffret à senteurs Orléans ou Angers, milieu du XVIIIème siècle Coffret en bois et vernis Martin Flacons en verre et argent Pot à onguent, pot à crème en biscuit émaillé (porcelaine de Chantilly) Entonnoir, gobelet et boîte circulaire en argent © Eva Lorenzini / Musée du Parfum Fragonard

Le corps se pare alors de divers artifices : perruques, maquillage, bijoux, parfums, dentelles, et objets de poche et de galanterie. Les costumes sont complétés par différents atours : broderies, dentelles, rubans qui rivalisent de sophistication et de raffinement. 

Objets luxueux, réalisés par des métiers d’art, ces accessoires subliment le vêtement, deviennent des objets de distinction et s’accompagnent pour certains d’une gestuelle propre qui révèle un langage codifié et marquent le corps modifiant la posture, le déplacement, la prestance du courtisan.

Qu’elles soient rhétoriques ou esthétiques, ces armes de séduction servent l’esprit d’une société élitiste où se mêlent des enjeux amoureux, politiques et religieux.

Modèle de broderie pour gilet XVIIIème siècle Gouache sur papier Lyon ?, 2e moitié du XVIIIe siècle Gouache sur papier huilé © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière

L’exposition vous emmène à la découverte de ces objets qui participent à ce jeu de la séduction et du pouvoir à la cour.
Éléments de la mise en scène du théâtre de la cour, les accessoires de mode, les produits de beauté et l’art du parfum révèlent les attentes des femmes et des hommes nobles tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles.
Le visiteur découvre les œuvres dans un parcours qui évoque de la tête au pied les différents objets auquel recourt le courtisan et reflète les évolutions de ces accessoires au cours des règnes successifs de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, période d’activité du château de Marly, instrument de la politique royale.

Jean Florent Defraine (Paris, actif en 1754) et A.-B. Duhamel (1736 ? – après 1800) Etudes de coiffes et coiffures, détail Vers 1787 Série de cinq gravures à l’eau-forte, coloriées Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises

COIFFURES À LA COUR

Le terme de coiffure fait autant référence aux cheveux et à l’art de la perruque qu’à la confection d’éléments de dentelle, de bonnets et de chapeaux qui forment un tout indissociable. Coiffeurs, perruquiers et marchandes de mode partagent cet art de la parure capillaire.

Les coiffures montées, véritables édifices surnommés poufs, sont inventés sous la Régence, la célèbre marchande de modes Rose Bertin s’en étant fait une spécialité. Les mélanges de chapeaux et de coiffures en cheveux sont caractéristiques de toute l’époque prérévolutionnaire et résultent des créations conjuguées de modistes et de coiffeurs à l’imagination sans limite.

Pend-à-col avec un portrait de jeune homme vers 1630-1640 ©RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d’Ecouen) / René Gabriel Objeda

LES ATTRIBUTS DE LA BEAUTÉ

Le maquillage sous l’Ancien Régime vise à éclaircir le teint, la blancheur du visage étant un symbole distinctif à la cour. La céruse, de couleur blanche, est utilisée pour recouvrir la peau, elle masque le teint mais aussi les expressions du visage. Les yeux et les sourcils sont fardés de noir et la bouche maquillée en rouge pour accentuer les contrastes, l’ensemble est mis en valeur par la mouche, grain de beauté artificiel.

La mouche est un petit morceau d’étoffe de soie, de taffetas, de velours ou de satin noir, de forme ronde, en cercle ou en diverses formes, que les dames et les hommes placent sur leur visage pour camoufler un défaut de leur peau ou pour mettre en valeur la blancheur de leur teint. La boîte à mouche est un véritable élément de la parure, elle trouve une place de choix sur la table de toilette parmi les boîtes à fard et à poudre, les rouges et les blancs, les peignes, les brosses et les miroirs, indissociables de la mode et de la beauté.

Nécessaire à parfum 4e quart du XVIIIe siècle, coque de noix, cristal, vermeil, laiton Versailles, collection particulière © Thierry Malty – Anne Camilli & Cie

Ces accessoires de maquillage sont soigneusement rangés dans des boîtes ou des flacons, devenus de véritables objets d’art grâce à l’excellence des artisans joailliers. Ces objets sont vendus par les orfèvres, les bijoutiers et les marchands merciers, qui sont à la fois négociants, importateurs et créateurs, se chargeant d’assembler ou de transformer différentes pièces de luxe pour créer des objets nouveaux. Ces écrins précieux et de grande valeur sont souvent offerts comme cadeaux de mariage.

L’APPARAT OLFACTIF ET SES ACCESSOIRES

Si les courtisans raffolent des produits parfumés, ce n’est pas seulement par plaisir mais aussi par devoir de se conformer à un apparat olfactif normé, à une odeur commune à tous, car le contrôle de l’apparence est étroitement associé à celui de l’odeur. Pour répondre à ces besoins, les gantiers-parfumeurs proposent une panoplie très diversifiée de parfums et de cosmétiques parfumés.

Les eaux de senteur viennent parachever la toilette de ces femmes et de ces hommes. Certaines eaux mélangent plusieurs odeurs, comme l’eau de la reine de Hongrie, mais la grande majorité des eaux fabriquées et vendues sont des eaux simples, composées d’une seule matière odorante (citron, jasmin, fleur d’oranger, lavande, tubéreuse, bergamote, cédrat, limette, thym, ambre, rose, iris…). L’eau de la reine de Hongrie et l’eau de rose ont un statut ambivalent, elles sont utilisées pour l’agrément mais aussi à des fins thérapeutiques. Au XVIIème siècle, l’eau de fleur d’oranger a la préférence de Louis XIV, tandis qu’au XVIIIème siècle, les eaux florales les plus consommées sont l’eau de rose et l’eau de lavande. Leur consommation n’est pas genrée, hommes et femmes utilisent les mêmes parfums.

Mortier à fard et son coffret XVIIIe siècle Biscuit émaillé, fard sec, carton Versailles, collection particulière © Thierry Malty – Anne Camilli & Cie

Dans la boutique du parfumeur, les clients achètent leur eau dans un simple flacon de verre ou de porcelaine. Les plus fortunés acquièrent de magnifiques flacons pour y transvaser l’eau. Au XVIIIème siècle les matériaux, les formes et les décors des contenants se diversifient. Les pomanders utilisés à la Renaissance sont toujours en vogue aux XVIIème et XVIIIème siècles. Ces pommes de senteur richement ornées contiennent un ou plusieurs parfums solides, on les porte sur soi afin de se protéger des maladies. Les vinaigrettes apparaissent à la fin du XVIIème siècle. Elles comportent une grille articulée qui maintient un morceau de coton ou d’éponge imbibé de vinaigre aromatique.

Bésicles et étui XVIIIe siècle, argent, nacre, écaille, verre Ecouen, musée national de la Renaissance © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d’Ecouen) / Mathieu Rabeau

LES ORNEMENTS DU VÊTEMENT

Les ornements du vêtement, boutons, dentelles, broderies… sont déterminants dans l’art du paraître à la cour, et la mode française des XVIIème et XVIIIème siècles est marquée par la virtuosité des manufactures de dentelle. Marie-Antoinette porte un voile en point d’Alençon le jour de son couronnement en juin 1774. La mode est diffusée et commentée à la cour à partir du milieu du XVIIème siècle grâce aux revues publiées à Paris tels que le Mercure galant et la Galerie des modes et costumes français mais aussi par l’entremise des marchandes de modes dès la seconde moitié du XVIIIème siècle.

Paire de souliers de dame Vers 1730, taffetas, strass, bois, maroquin, peau Lyon, collection particulière © Thierry Malty – Anne Camilli & Cie

Outre la dentelle, les applications de passementerie ou de broderie ajoutent également du cachet aux pièces vestimentaires et aux tissus d’ameublement. Au XVIIIème siècle, des carnets ou recueils d’échantillons d’étoffe (soie, coton, laine, fils métallisés) servent souvent de base aux broderies. Le rôle de la broderie devient essentiel, tout spécialement dans les costumes masculins et dans le costume de cour. Le dessin joue en outre un rôle cardinal dans la qualité de la broderie et certains peintres et illustrateurs, à l’instar de Saint-Aubin ou d’Antoine Berjon (1754-1843), réalisent des compositions de natures mortes ou de semis de fleurs utilisées par les dessinateurs des fabriques de soieries et tissus. Sur les habits masculins, la broderie la plus riche se situe sur les parements, les cols, les revers des manches, l’ouverture du dos, les poches et leur entourage.

La broderie de fils d’or et d’argent est utilisée en particulier dans l’ornement du grand habit de cour, et orne les petits accessoires élégants comme les pochettes ou les portefeuilles.

Éventail plié Vers 1770-1780 Feuille double en peau peinte à la gouache rehaussée de paillettes, monture en nacre repercée, sculptée, gravée, burgautée et dorée Paris, collection particulière © Thierry Malty – Anne Camilli & Cie

BIJOUX ET OBJETS DE GALANTERIE

Les bijoux arborés à la cour aux XVIIème et XVIIIème siècles se portent sur les vêtements. Colliers, boucles d’oreilles, broches, médaillons, bagues et bracelets sont associés à de luxueuses parures de pierres précieuses cousues sur les étoffes. Le bijou est l’accessoire indispensable qui embellit la robe ou l’habit des grands du royaume. Le mélange de métaux, de pierres précieuses, de verre et de strass comme l’utilisation de semences de perles fines et d’émail caractérisent une partie de ces bijoux de cour. Les médaillons à l’effigie de l’être cher sont offerts en gage d’amour ou d’amitié. Sertis de pierres ou de perles, ils sont dotés d’une charge affective particulière. Parmi les médaillons, les « pend-à-col » peuvent se porter au cou, être cousus ou utilisés en broche.

Le bijou et la montre de cour sont eux aussi les témoins des relations intimes ou des amitiés sincères. Les montres de poche ou de col, véritables ambassadrices du savoir-faire horloger français, constituent de somptueux cadeaux offerts aux hôtes de marque, dignitaires ou souverains étrangers visitant la cour de France. Le raffinement des objets de poche et de galanterie ne cesse de croître avec l’épanouissement de l’art et de l’artisanat aux XVIIème et XVIIIème siècles. Combinant matériaux et savoir-faire rares et précieux, ils sont tout à la fois décoratifs et fonctionnels. Ils peuvent être de toutes sortes :nécessaire à parfum, tabatière, boîte à message, miroir de poche, éventail, ou tout accessoire raffiné que l’on garde avec soi, dans sa poche ou à portée de main.

Ces objets suscitent les convoitises d’une clientèle fortunée qui se presse chez les marchands merciers parisiens, qui contribuent à faire de Paris la capitale européenne de la mode et du luxe à la française. Tenus en main, ils mettent en valeur une gestuelle codifiée ; l’élégance des mouvements du corps et des mains révélant ainsi le rang des personnes qui les possèdent. Ces accessoires sont autant portés par les hommes que par les femmes, mais leurs décors et formes les distinguent parfois d’un usage commun aux deux genres.

LE SOULIER ET SES PARURES

Le soulier est l’apanage des puissants et des plus fortunés. Les mules sont destinées à l’intérieur de la maison tandis que les souliers à talons hauts sont réservés pour la représentation. Le goût pour les textiles précieux et les bijoux s’étend à tous les accessoires, souliers compris.

Les chaussures à talon apparaissent durant la première moitié du XVIIème siècle, le soulier dit à pont-levis est rapidement adopté dans toutes les cours européennes. Marqueur de l’allure, le talon imprime un rythme à la marche, donne de la hauteur et de la prestance.

Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, les formes carrées séduisent une clientèle autant masculine que féminine. Le dessus du soulier se pare de tissus précieux : velours de soie brodé de filés métalliques dorés ou argentés, soie brochée (présentant des dessins en relief), ou cuir brodé de soie. Au début
du XVIIIème siècle, les souliers à bout rond ou pointu détrônent de nouveau les formes carrées.
Prisés par les courtisans, les talons atteignent une hauteur vertigineuse et une surenchère d’ornements sous le règne de Louis XV et au début de celui de Louis XVI. Ils sont cependant moins hauts sur les mules pour femme qui sont réservées à l’intimité, et se raccourcissent sur la dernière partie du XVIIIème siècle.
Les attaches (rubans, lacets, dentelles et boucles) demeurent essentielles pour parer les souliers au gré des saisons. Les boucles de souliers, très prisées par les hommes à la cour de 1650 à 1670, connaissent une éclipse avant de se retrouver en pleine lumière à la fin du XVIIème siècle et au XVIIIème siècle. Si, au
quotidien, les boucles en argent, laiton, acier ou argent doré ciselées sont privilégiées, les boucles
brillantes serties de diamants ou de strass parent les souliers dans les occasions solennelles.

Ces attaches forment généralement une parure avec les boucles de jarretières, plus petites, qui ferment la culotte aux genoux. Quant aux femmes de la cour, elles adoptent les boucles de forme ronde ou ovale.

exposition jusqu’ au 27 août 2023
Musée du Domaine royal de Marly

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