L’exposition Splendeurs des oasis d’Ouzbékistan nous donne à rêver sur ce carrefour de civilisations, au cœur de l’Asie centrale, où résonnent bien sûr les noms de Samarcande et de Boukhara. Bien d’autres oasis marchandes de ce pays ont révélé des œuvres aujourd’hui classées patrimoine mondial de l’humanité.
Gengis Khan, Tamerlan, Marco Polo, autant de noms légendaires qui continuent à vivre dans nos imaginaires. Pourtant, l’Ouzbékistan, centre intellectuel, culturel, artistique au carrefour de l’Inde, de la Chine et de l’Iran, reste largement méconnu. Avec plus de 170 œuvres, parmi lesquelles des trésors nationaux ouzbeks jamais montrés en Occident, et des prêts de grands musées européens et américains, cette incursion inédite réserve au visiteur quelques chocs culturels et des moments d’émerveillement.
L’exposition invite à un voyage dans l’espace et dans le temps, en déroulant le récit de dix-neuf siècles d’une histoire fabuleuse qui permet de comprendre comment cette région a pu fasciner Alexandre le Grand ou les khalifes de Bagdad, au-delà du monde iranien, vers l’est. Cet espace d’échanges et de rayonnement culturel a permis aux civilisations occidentales et orientales de dialoguer harmonieusement.
Une large sélection de ces chefs-d’œuvre, spécialement restaurés pour l’exposition, est présentée, comme les peintures murales monumentales du palais des ambassadeurs de Samarcande et de sa région, les pages d’un des plus anciens corans monumentaux des débuts de l’Islam provenant de Katta Langar, en Sogdiane (centre de l’Ouzbékistan actuel) et des trésors en or provenant de Bactriane (sud de l’Ouzbékistan actuel), en argent, en soie, en céramique fine. C’est aussi l’occasion d’admirer quelques chefs-d’œuvre de la fameuse peinture miniature de l’Ecole de Boukhara du XVIe siècle.
L’exposition est à découvrir en deux lieux :
La Peinture dite « des Ambassadeurs », chef-d’œuvre du Musée archéologique d’Afrasian de Samarcande, ainsi qu’une sélection de 12 œuvres sont présentées en rez-de-cour du département des Arts de l’Islam. Elles évoquent le thème des routes caravanières comme enjeux d’échanges diplomatiques entre la Chine, l’Inde et le Moyen-Orient mais aussi les échanges économiques, culturels, technologiques, artistiques et religieux.
Les 150 autres œuvres sont en galerie Richelieu.
1. Le temps des états-Oasis et des royaumes : diffusion des cultures à travers la route de la soie
La naissance de la route de la soie, réseau de routes caravanières empruntées pour relier l’Extrême-Orient à la Méditerranée, dû à l’essor des flux d’échanges commerciaux, est mentionnée par les sources chinoises dès le IIe siècle avant notre ère. À cette période se forment les États-Oasis d’Asie centrale. Le bouddhisme se développe dès le Ier siècle de notre ère, grâce à la dynastie des Kouchans. Les élites de cette époque prennent corps dans des statues en terre crue, dont certaines sont à taille humaine, tels Bouddha et les boddhisattva.
Les parures et bijoux en or rendent compte de l’opulence qui caractérisait ces carrefours d’échanges commerciaux.
2. Les royaumes du milieu et l’apogée d’un art de cour
À partir de la fin du IIIe siècle, nous assistons à un développement majeur du commerce et à un enrichissement des royaumes sogdiens (au centre de l’Ouzbékistan actuel), dits du milieu car entre la Chine et la Méditerranée.
L’art de cour atteint son apogée à partir du IVe siècle. Les monumentales peintures murales des résidences princières de Varakhsha à l’ouest de Boukhara, aujourd’hui dispersées dans différentes collections, sont exceptionnellement mises à l’honneur grâce aux prêts majeurs du Musée des Beaux-Arts de Tachkent et à une reconstitution numérique qui nous plongent dans un palais de l’oasis de Boukhara pendant l’arrivée de l’Islam. Un autre ensemble du début du VIIIe siècle, issus d’une résidence aristocratique d’Afrasyab nous transporte à Samarcande. Cette région est caractérisée par des croyances religieuses et funéraires où se mélangent des traditions bouddhique (influence indienne), zoroastrienne (influence iranienne), chrétienne, manichéenne (religion née à partir du prophète Mani). De rarissimes statues en terre crue et de la vaisselle précieuse, notamment en argent, rendent compte de l’apogée de cet art de cour.
3. Instauration d’un pouvoir islamique et islamisation culturelle
À partir du début du VIIIe siècle, l’Islam s’impose en Asie centrale entraînant une islamisation politique et culturelle progressive, comme en témoignent les deux feuillets d’un des plus anciens corans, dit Coran de Qatta Langar, véritable chef-d’œuvre des débuts de l’Islam en Asie centrale. Ce renouveau culturel est perceptible dans le décor architectural, notamment grâce à un ensemble monumental de stucs et textiles, ainsi qu’un nouveau style de céramiques, sur lesquelles la calligraphie sera un motif récurrent. Véritables lieux de rayonnement intellectuel dès le Xe siècle, certaines villes deviennent des foyers de développement et diffusion culturelle et scientifique, d’où sont issus les célèbres noms d’Avicenne, al-Biruni en sciences, ou encore al-Boukhari, compilateur de hadiths du prophète Mahomet.
4. D’Avicenne à Gengis Khan
La période entre le XIe et le XIIe siècle est marquée par le règne sur ce territoire de la tribu turque des Qarakhanides (originaire de la région de Kashgar), contemporains des Seldjoukides qui eux règnent en Iran et plus à l’ouest. Cette culture islamique intègre aux sources arabe et persane, une culture nomade asiatique. La culture matérielle peut être appréhendée grâce à des chefs-d’œuvre en métaux précieux (or, argent, métal cuivré ciselé, incrusté et serti). Cette nouvelle culture impose aussi la langue turque, aux côtés de l’arabe et du persan.
L’invasion de Gengis Khan renforce cette identité régionale est-asiatique. Cette période est illustrée par le prêt exceptionnel de manuscrits, comme le fameux Livre des Merveilles de la Bibliothèque nationale de France, qui nous plonge dans le voyage de Marco Polo dans cette Asie centrale et en Chine au XIIIe siècle.
5. Le temps des Grands empires : les Timurides et les Shaybanides
Ces deux empires modernes permettent d’évoquer la célèbre figure de Tamerlan, fondateur de la fameuse dynastie des Timourides. La renaissance artistique est visible dans les prestigieux témoignages d’architecture ou les fragments monumentaux, notamment des monuments de Samarcande et de Boukhara. Elle est encore représentée grâce à la peinture de manuscrits telle que celle de la célèbre école de Boukhara de la dynastie des Shaybanides (successeurs des Timourides) ou la porte du Gour-e mir (mausolée de Tamerlan) qui sera exposée pour la première fois représentée grâce à la peinture de manuscrits telle que celle de la célèbre école de Boukhara de la dynastie des Shaybanides (successeurs des Timourides) ou la porte du Gour-e mir (mausolée de Tamerlan) qui sera exposée pour la première fois en dehors de l’Ouzbékistan.
« Splendeurs des oasis d’Ouzbékistan » au Musée du Louvre
exposition jusqu’au 6 mars 2023