Prétendument qualifiés de style Louis XVI ou de style Directoire, les arts décoratifs de la dernière décennie du XVIIIe siècle ont été dépouillés de leur spécificité historique par rejet de la Révolution française, au profit du dernier règne de l’Ancien Régime et de la période post thermidorienne. Tout découpage de ce genre est arbitraire, mais justement pourquoi ne pas mettre en avant un « style Révolution française » qui couvrirait les années de Liberté après la prise de la Bastille (1789 à 1792) et les premières années de la République (1792-1799) ?
Pour la première fois, le public découvre une partie du décor de papier peint en arabesque de la manufacture Réveillon à Paris, produit en 1790 et donné par la famille Benoist en 2004. Ce papier peint est l’écrin d’un ensemble exceptionnel de sièges de Georges Jacob (1739-1814), qui excelle dans la sculpture sur bois, ainsi qu’un bureau d’Adam Weisweiler (1746-1820) déposés par le Mobilier national.
Les tendances principales du style Révolution française s’inscrivent parfaitement dans l’irrésistible mouvement initié par les Lumières, mélange de rationalisation et d’émancipation, qui dynamise la fin du XVIIIe siècle.
En France, comme en Europe, à partir des années 1750-1760, en réaction aux formes rocailles ou rococo, le style contemporain s’inspire d’une manière de plus en plus appuyée des objets, décors et architectures de l’Antiquité grecque etromaine découverts en Italie. Qualifiés de style Louis XVI ou de style Directoire, les arts décoratifs de la dernière décennie du XVIIIe siècle ont été dépouillés de leur spécificité historique par rejet de la Révolution française, au profit de la fin du dernier règne de l’Ancien Régime et de la période post-thermidorienne, après 1794. Tout découpage de ce genre étant arbitraire, pourquoi ne pas mettre en avant un « style Révolution française » qui couvrirait les années de Liberté faisant suite à la prise de la Bastille de 1789 à 1792 et celles des débuts de la République française de 1792 à 1799, jusqu’au Consulat ?
Il se dégage en effet des meubles, objets d’art et papiers peints de cette époque, qui déclinent les décors et les motifs de l’Antiquité, une sobriété et une élégance mesurée absentes des créations de la monarchie ou de la période napoléonienne (Consulat et Empire) dont les références sont pourtant les mêmes.
Cela vient en partie du profond renouvèlement des élites et des tensions qui traversent la société française. L’irrésistible mouvement initié par les Lumières, mélange de rationalisation et d’émancipation qui dynamise la fin du XVIIIe siècle et en même temps la bouleverse, infléchit les goûts tout en s’appuyant sur un savoir-faire des maîtres et ouvriers du meuble ou des objets d’art, qui ne faiblissent pas pendant cette décennie. Au contraire, malgré les contraintes et la dérèglementation, les ateliers trouvent d’autres clientèles, modifient leur approvisionnement en matières premières, inventent, tout en conservant l’excellence de leurs métiers que toute l’Europe leur envie.
Les arts décoratifs de la période révolutionnaire, comme les arts en général sont aussi magnifiques que ceux des époques précédentes et suivantes, avec une inflexion et un esprit différent, bref un art parfois engagé mais surtout réfléchi et mesuré. La présentation de mobiliers de Pierre Achard, Georges Jacob, Jean-Baptiste Sené et Adam Weisweiler, d’objets d’art de Louis-Simon Boizot et Joseph Chinard, et de la Manufacture Réveillon, en sont ici la preuve éclatante.
En contrepoint, un ensemble de meubles de Pierre Paulin (1927-2009) des années 1980, acquis ou commandé par l’État pour la présidence de la République, est présenté dans la même salle, accompagnant ainsi la célébration des 40 ans du musée créé dans ces mêmes années (1983/1984).
Enfin, l’exposition met particulièrement en valeur trois organismes de l’État, partenaires et soutiens du musée, dont la vocation est d’être à la fois des instances de stimulation de la création et de mise en valeur des patrimoines artistiques que ce faisant elles génèrent depuis plusieurs siècles : le Mobilier national, la Cité de la Céramique Sèvres et Limoges et le Centre national des arts plastiques, tous trois prêteurs ou déposants des œuvres présentées.
Domaine de Vizille – Musée de la Révolution française
Place du Château
BP 1753
38220 Vizille
Exposition jusqu’au 11 mars 2024