Le musée du Louvre annonce l’acquisition, pour le département des Peintures, d’une grande peinture par Giambattista Tiepolo (Venise, 1696 – Madrid, 1770), Junon au milieu des nuées (3,50 x 2,10 m), commandée pour le palais Sagredo à Venise et réalisée vers 1735. Cette œuvre d’une grande rareté a été acquise de gré à gré auprès d’un collectionneur privé et grâce au mécénat exceptionnel de la Société des Amis du Louvre qui a soutenu cette acquisition à hauteur de 1,5 millions d’euros.
L’œuvre représente Junon, la déesse antique de la fécondité, de la maternité et du mariage. Fille de Saturne et de Rhéa, portant le nom d’Héra dans la mythologie grecque, elle est à la fois la sœur et l’épouse de Jupiter. Elle est représentée seule, hors de tout contexte narratif, dans un espace abstrait et lumineux. Vêtue d’une chemise blanche aux manches courtes et d’une ample robe rose claire, elle est enveloppée par une large couverture de brocard rouge et or au revers blanc ; sur son épaule gauche est visible une écharpe jaune qui se déploie également sur sa droite.
La déesse antique est immédiatement identifiable grâce à la présence du paon, un animal qui lui est traditionnellement associé en souvenir d’Argos, dont elle prit les cent yeux lorsqu’il fut tué, pour les placer sur le plumage de l’oiseau. À l’égal des créations de Paul Véronèse (1528-1588), dont les contemporains de Giambattista Tiepolo estimaient qu’il faisait revivre le génie décoratif, la grâce et la magnificence, son attitude et ses vêtements lui confèrent d’emblée la distance aristocratique d’une souveraine olympienne.
Cette peinture a été commandée vers 1735 par Gerardo Sagredo (1692-1738), qui occupait la charge de procurateur de Saint-Marc, la plus éminente de la République de Venise après celle de doge, pour orner le plafond d’une pièce du palais Sagredo à Venise. À la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle, après l’extinction de la famille Sagredo, elle a été retirée de cet édifice avec d’autres éléments de son décor. Détachée de son support d’origine, remontée sur un parquetage de bois, elle était mentionnée à Paris en 1910.
Giambattista Tiepolo est le plus grand peintre italien au XVIIIe siècle, et l’un des plus grands artistes qu’ait connu l’Europe à cette époque. Au cours de sa longue carrière, il a laissé une création d’une invention toujours renouvelée et d’une abondance prodigieuse, dont le catalogue compte plus de cinq cent numéros. Il s’agit en particulier d’ensembles de grands décors monumentaux exécutés à fresque, à Venise mais aussi à Udine, Milan, Bergame, Vicence, Wurtzbourg ou Madrid. Tiepolo est également l’auteur de vastes compositions religieuses ou profanes peintes sur toile, pour lesquelles on conserve de nombreuses esquisses peintes.
Avec un peu plus de trois cent cinquante tableaux italiens des XVIIe et XVIIIe siècles exposés en permanence, le musée du Louvre offre une présentation de la peinture de l’Italie baroque qui n’a pas d’équivalent. De Giambattista Tiepolo, le musée ne conservait que des peintures de petite taille. Exceptionnelle par ses dimensions et par sa provenance bien identifiée, la Junon au milieu des nuées permettra, à l’issue d’une restauration attentive, de rendre compte de l’ambition monumentale de sa création.